Ces chroniques ont été diffusées par la revue Place publique, dans une rubrique en partenariat avec Maison Fumetti, dédiée aux bandes dessinées publiées par des auteur·e·s ou des maisons d’édition de la région nantaise.
L’Adoption T2 de Zidrou et Arno Monin
Sur la table des coups de cœur de la médiathèque Jacques Demy, à Nantes, on trouve encore régulièrement la bande dessinée Lydie, sortie en 2010. Cette poignante histoire d’une mère préférant le déni au désespoir est restée dans les mémoires des lecteurs et a marqué un tournant dans la carrière de Zidrou. Prolifique scénariste belge, il s’est d’abord fait connaître pour avoir peuplé les pages du journal « Spirou » de personnages humoristiques (Margot et Oscar Pluche, les Crannibales, Le Boss et tant d’autres), et pour le succès commercial de L’Élève Ducobu. Lydie fut son Tchao Pantin, selon l’expression consacrée pour décrire l’œuvre permettant à un artiste classé comme amuseur de retirer son nez rouge et de diversifier sa production. Il signe aujourd’hui régulièrement des bandes dessinées de différents formats abordant des sujets sombres et adultes, loin de univers comique “gros nez” qu’il n’abandonne pas pour autant. Ce tournant lui a permis de s’adjoindre la collaboration de nouveaux types de dessinateurs, et le nantais Arno Monin fait partie de ceux que Lydie a attirés vers l’auteur belge.
Le diptyque qu’ils ont publié en 2016 et 2017 sous le titre L’Adoption vient fouiller et gratter le thème de la paternité sous différentes formes, et surtout quand elle est un rendez-vous manqué. On y croise des pères qui brassent leurs espoirs et digèrent leurs regrets : l’un n’a pas pu être suffisamment présent, un autre est prêt à tout pour devenir parent, un dernier traverse le deuil de son enfant. On retrouve le trait tendre et nourri par l’animation d’Arno Monin, qui a pris le temps de trouver un rendu adapté à cette histoire comme il le fait sur chaque nouveau projet. Il campe cette galerie de personnages avec justesse, en soulignant les inflexions de l’émotion, sans en faire trop.
Les deux tomes de L’Adoption sont déjà des best-sellers, et malgré quelques dialogues d’une truculence un peu trop appuyée, c’est un succès mérité. On ajoutera également que dans une société où les rôles traditionnels sont remis en question, il est heureux que des œuvres populaires offrent à un large lectorat leur regard empathique et généreux sur des thèmes douloureux.
► L’Adoption T2 de Zidrou et Arno Monin publié par les éditions Bamboo en mai 2017. 48 pages. 14,90€. Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Bergères Guerrières T1 de Jonathan Garnier & Amélie Fléchais
Après que presque tous les hommes ont été mobilisés de force pour la Grande Guerre, il y a dix ans déjà, les femmes se sont organisées et ont créé l’ordre des Bergères Guerrières pour protéger les troupeaux et le village. Ayant grandi en prenant ces femmes pour modèle, la jeune Molly n’a qu’une hâte : compter enfin parmi les membres de cette prestigieuse élite.
Signé par les talentueux Nantais Jonathan Garnier (déjà scénariste de Momo, chroniqué précédemment) et Amélie Fléchais, ce tome d’exposition comporte bien des promesses. La première et principale étant bien sûr l’inversion des normes de genre : ici ce sont les filles et les femmes qui manient les armes et qui partent en mission. Et c’est un petit garçon, Liam, qui est prêt à tout pour entrer dans un groupe composé de villageoises admirées et tous. Ce pas de côté savoureux prend place dans un univers fantastique teinté d’esthétique celte, que le dessin, les couleurs et les matières rendent attachant et mystérieux. Les lecteurs adultes comme les enfants auront à cœur de connaître la suite des aventures de Molly, Liam et leurs amis !
► Bergères Guerrières T1, La Relève, de Jonathan Garnier & Amélie Fléchais, publié par les éditions Glénat en juin 2017. 72 pages. 14,95€. Plus d’infos sur le site de l’éditeur.