Je suis contente et fébrile et contente (ha zut je l’ai déjà dit, c’est parce que je suis un peu fébrile) de poster ici le texte introductif et fondateur de mon #ProjetPlab
Tout reste à faire, mais je sais vers où je veux aller !
Ce texte constituera la voix off de la première d’une série de vidéos.
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Je suis une femme de 34 ans, je vis dans une grande ville de l’ouest de la France. En arrière-plan d’une vie bien remplie une ombre plane, celle d’un effondrement en cours.
J’avance avec l’idée que la vie telle que je la connais ne va pas durer très longtemps.
Le mode de vie urbain dont je profite a atteint un degré de complexité extrême en se basant sur l’exploitation des énergies fossiles. Concrètement en 200 ans on a multiplié la population mondiale par 10 en cramant des ressources qui étaient dans nos sols depuis des millions d’années. J’ai cette image du “moteur à explosion” : l’histoire humaine a accéléré comme une dingue grâce à ces sources d’énergie dont on prend seulement conscience qu’elles sont limitées. Donc non seulement on va devoir ralentir, mais par ailleurs on va devoir survivre dans les conséquences de cette accélération que sont le dérèglement climatique, la disparition de la biodiversité et la pollution de l’air, de l’eau, de la terre et des organismes vivants. C’est assez particulier de considérer son avenir avec cette perspective-là… Le défi étant de trouver la juste attitude entre le déni et la paralysie.
Que je le veuille ou non, mon mode de vie hors-sol est voué à disparaître. Quand je dis hors-sol, je parle des produits et services que je consomme, qui sont pour la plupart fabriqués loin de mon regard, par des chaînes de production longues et complexes, via des procédés qui exploitent les ressources naturelles et les ressources humaines. En somme, par ma consommation et malgré mes bonnes intentions, je fais plutôt partie du problème que de la solution. Je dis “je”, mais je n’ai pas l’intention de m’encombrer d’un excès de culpabilité. Les initiatives personnelles comptent, bien sûr, mais les grands pas sont indispensables pour changer vraiment quelque chose à notre trajectoire. Et je doute de la pertinence de l’accablement individuel alors que l’on a très peu de libre arbitre, en réalité. J’ai conscience que mes désirs sont conditionnés par mon milieu d’origine, par la culture dans laquelle je baigne, par mon niveau de vie. Encore une fois, les démarches personnelles de transition personnelles sont pertinentes et indispensables, mais je veux plus. Moi je veux comprendre ! Si j’arrivais à saisir comment j’en suis arrivée là, pourquoi je n’arrive pas à faire correspondre mes désirs à mes valeurs malgré la situation d’urgence, je crois que ça servira à quelque chose, et pas seulement à moi.
Je connais un endroit où il y a des gens qui achètent une partie de leur nourriture directement au producteur, ou la font pousser, ou la troquent. Un endroit où la plupart des gens que je connais ont déjà participé à des chantiers de construction. Un endroit où il y a des jeunes qui se lancent dans la bio et la biodynamie. Un endroit où il y a des gens qui contrairement à moi n’ont pas besoin d’avoir sur leur frigo un calendrier indiquant la saisonnalité des fruits et légumes. Où ils se réunissent régulièrement pour faire du cidre, pour faire la fête et parfois pour lutter.
Cet endroit ça n’est pas la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, c’est Plabennec, dans le Finistère. J’ai grandi dans cette ville, et l’arbre généalogique du côté de ma mère atteste que cette branche de ma famille a vécu par là depuis toujours. Au XXe siècle ce mode de vie qui était le nôtre est devenu ringard. La preuve, c’est que le mot “plouc” vient des noms de villes qui commencent par plou ou pla, comme Plabennec !
Et bien sûr de Plabennec il y a des gens qui partent, parce qu’ils aspirent à autre chose. Il y a des gens qui vivent dans des lotissement sans connaître leurs voisins. À Plabennec il y a des écrans plats dans pas mal de salons et 3 supermarchés où on peut acheter des produits du monde entier. À Plabennec on peut difficilement vivre sans voiture, et on trouve bien sûr des exploitations d’agriculture intensive. À Plabennec il y a de l’espoir mais il y a aussi beaucoup de sentiment d’impuissance et de résignation. Il y a de la fierté, mais aussi une bonne dose de honte.
Dans ma commune d’origine je trouve qu’on ressent très fort cette relation paradoxale à la ruralité ou… je ne sais pas trop comment appeler ça… le rapport à la nature, à nos moyens de subsistance primaires. Ces questions qu’on est obligés de repenser à notre époque. Il y a ici pas mal de dégâts causés par la modernité productiviste et consumériste, mais il y a quelques beaux restes d’un mode de vie traditionnel, et il y a surtout des initiatives qui mélangent les deux de manière très inspirante.
Alors pour comprendre pourquoi je n’arrive pas à faire correspondre mon mode de vie à mes valeurs, pour aller vers des pratiques et une consommation plus résilientes, je vais aller chercher des réponses ailleurs que dans les livres et sur internet. À la place je vais revenir là où j’ai grandi, là où une partie de ma famille a vécu, et interroger les gens. Je vais collecter des témoignages pour retisser des fils qui se sont brisés, avec l’idée de réconcilier les générations, de créer des ponts entre les ruraux et les urbains. J’ai envie de réparer nos liens avec le passé, pour imaginer un futur plus désirable.
Plabennec ça ne paie pas de mine, et pourtant j’ai l’impression que cette quête peut concerner d’autres personnes que moi.
Je vous emmène avec moi ?