Le mot “amateur” est construit sur le verbe latin “amare”, qui veut dire “aimer”.
Aujourd’hui, 21 juin, fête de la musique, nous avions prévu avec mon groupe Sound Flood de faire un concert privé dans mon jardin, un happy hour pour quelques voisin·e·s et ami·e·s. Mais les pluies orageuses ne nous ont pas permis de mener ce projet à bien.
Nous avons donc répété comme tous les lundis, dans notre local au fond du jardin d’Anthony. Nous avons joué notre set au complet, histoire de s’y croire un peu. Pour honorer cette occasion manquée, j’ai envie d’évoquer à quelques traits ce qui je trouve si génial dans le fait de jouer de la musique en amateurs et amatrices.
Ce que j’aime par-dessus tout, c’est l’intense concentration que ça demande et la mobilisation de tout mon corps et mon esprit. Bien en appui sur les jambes, garder ou récupérer le tempo avec les pieds, connectée à mon centre de gravité, la gorge ouverte et prête à toutes les nuances, à toutes les acrobaties, les bras pour tenir le micro et pour danser, le visage pour moduler la voix. Gérer la justesse, le tempo, les paroles, rester connectée aux copains. Chercher de temps en temps à improviser pour ne pas laisser ma voix prendre toujours les mêmes sentiers, pour me surprendre et surprendre ceux qui écoutent.
J’adore le fait qu’il faut être entièrement dans le moment présent : si on s’apitoie sur une syllabe mal envoyée ou sur une fausse note, si on se gargarise sur un super truc qu’on vient de sortir, on risque fort de se casser la gueule sur la suite. D’ailleurs je parle du moment présent mais c’est faux : il faut que l’esprit et le corps aient au moins un instant d’anticipation, parfois plus. Mais quand je chante, le passé doit être immédiatement balayé. Ça fait du bien.
La concentration nécessaire n’empêche pas d’avoir des tas de choses qui me passent dans l’esprit quand on joue. Je me sens emportée dans un flot grisant de réactivations : les moments de galères et de joies vécues en groupe pour composer tel morceau, les émotions mises en jeu en écrivant telles paroles, ma reconnaissance débordante pour tel·le artiste dont on joue une reprise, des flashs rapides et multiples de concerts passés…
J’ai sur le poignet un tatouage qui dit “SHOUT”. Il a déjà quelques années, mais ça reste en phase avec le choix de faire du rock. Le volume des instruments ne me laisse pas d’autre choix que d’exprimer ma puissance pour me faire entendre à leur hauteur, et ça me plaît de ressentir cette force en moi. La sensation d’être capable de rugir ne s’oublie pas si facilement, même quand la vie me fait me sentir temporairement misérable.
Et puis le collectif, quelle incroyable expérience d’approfondissement… Depuis 2014 on évolue ensemble, en tant que groupes, en tant que musicien·ne·s, en tant qu’ami·e·s. J’ai beaucoup d’affection pour mes copains, dont j’observe tous les lundis la concentration et les grimaces. Qu’est-ce qu’on bosse, bordel !!
Je suis fière de nous, de la musique qu’on produit ensemble, avec la passion et l’amitié comme socles. Des amateurs, mais pas des branquignols.