Pendant des années j’ai porté des soutien-gorge malgré l’inconfort que ça me causait. Comme d’autres trucs de la vie, je m’étais pas posé la question : si tout le monde le faisait, c’était sûrement pour une bonne raison. Mais avec le temps, j’ai fini par reconnaître que ce truc me gratte, me serre, comme en atteste l’intensité de ma joie lorsque je m’en libère en rentrant à la maison.
Je crois que j’ai même intériorisé ce petit problème en me disant confusément : c’est ma faute, j’achète de la mauvaise qualité. C’est ma faute, je suis mal proportionnée. C’est un peu triste mais à la base mon cerveau est plutôt fait comme ça… Heureusement je l’éduque à penser autrement ! Quoiqu’il en soit, un jour, hop j’ai osé passer des journées sans soutien-gorge ! Y compris hors périodes de confinement, hum. Merci le féminisme, merci les mouvements body positive & body neutrality, et puis merci cette étude montrant que pour certaines femmes, le soutien-gorge fait plus de mal que de bien. Étaient venus pour moi les temps enthousiasmants de la libération des nichons. Cette période m’a donné l’occasion de réaliser que je me sentais bien ainsi et que ça ne me posait aucun problème… sans compter, bien sûr, la peur du regard des autres sur mes pauvres petits tétons. Ces parties-là du corps sont en effet de celles qui sont sexualisées dans la culture où je vis, contrairement aux oreilles ou je sais pas, aux doigts. Pourtant il me semble qu’on peut utiliser au moins autant les doigts que les tétons dans les relations sexuelles, mais il ne faut peut-être pas chercher d’explication hyper cohérente.
J’ai fini par percuter que j’utilisais des soutien-gorges principalement pour cacher la forme de mes tétons et de mes seins, et ce, parce que c’était ce que la société attendait de moi, damn it. J’avais intégré que la vie serait plus simple avec un soutien-gorge, qui m’éviterait globalement d’être jugée ou sexualisée sans mon consentement. Suite à mes petites expériences vestimentaires, je fais des compromis : adieu soutifs avec des fils de fer, des trucs qui grattent et qui cisaillent la peau, bonjour brassières ou débardeurs. D’une part j’aime bien me sentir « tenue » par du tissu élastique, d’autre part ça protège un peu mon corps des regards et des jugements. Parce que clairement, j’ai pas tous les jours le courage de transgresser les normes même quand je les trouve pourries. Chacun·e sa vitesse d’émancipation, et voilà mon cheminement ainsi que l’endroit où j’en suis actuellement.
Fun fact : ça m’a clairement aidée à faire évoluer dans ma compréhension du port du voile. Je pense qu’il peut parfois y avoir dans ce choix le souhait de se protéger des jugements et des regards. Même si je reste consciente que c’est plus compliqué, parce qu’en France on baigne dans l’islamophobie et qu’il y a moins de consensus sur la sexualisation de la chevelure des femmes (le porter transgresse donc davantage la culture dominante). Mais bon, mesdames, que vous choisissiez de porter le voile ou qu’on vous l’impose, que vous portiez ou pas des soutien-gorges, que vous ayez des petits, des gros ou pas du tout de nichons : je vous envoie plein de solidarité et de soutien dans vos choix ! Et que ceux qui veulent décider comment on doit se vêtir aillent se faire cuire le cul, bien sûr.